Cette semaine, nous avons fait le Triathlon S des Dauphinés. 800 m de nage – 21 km à vélo – 5 km à pied. J’ai fini 172/250 overall, 32/63 femmes, 7/15 dans ma catégorie. Et mon copain l’a fait avec moi.
J’ai appris après la course que c’était un luxe d’avoir mon copain avec moi sur cette course. J’avais conscience de la chance, mais je ne savais pas à quel point. Mais revenons au tout début pour comprendre ce qu’il s’est passé.
À la base, il devait faire la course de qualification des D3 pour les championnats de France avec son club. Il s’est blessé, il y a eu d’autres priorités au club, finalement, ils n’y sont pas allés. Mais il avait son dossard et m’avait inscrite pour que je coure ce jour-là aussi. C’était un départ groupé qualification D3 et ouvert à tous. Une machine à laver assurée pour la natation ! Suite à de nombreuses demandes, l’organisation de la course a préféré ouvrir deux créneaux : 300 places pour la D3 et 300 places pour les autres. Mon copain avait donc un dossard, mais pas d’équipe, il a décidé de faire le triathlon ouvert à tous avec moi.
C’était adorable et pour moi un peu logique. Après tout, je cours souvent avec des potes pour les soutenir et le concept de lièvre est connu. Mais je ne le savais pas encore, ce serait probablement la seule fois où on serait ensemble sur un triathlon. Quelqu’un m’a dit « un mec de son niveau, c’est un Luxe qu’il soit resté avec sa copine bien plus lente ». Quand je lui en ai parlé, après la course, il m’a dit « ma voisine de parc m’a confié qu’elle aurait adoré que son mec le fasse avec elle plutôt que d’aller chercher une perf sans qualification ».
J’avais conscience pendant toute la course du triathlon doré que j’étais en train de vivre, mais je ne savais pas à quel point c’était exceptionnel.
La veille et le jour J
Après un weekend en famille à enchainer les activités (vélo, course à pied, canoë, sorties, glaces !), je me couche la veille avec la poitrine douloureuse. Vous savez peut-être ce que ça présage… Ça n’a pas loupé ! Réveil premier jour de règles, avec la poitrine toute aussi douloureuse, mais en plus le moral dans les chaussettes et un peu ballonnée. Ça tombe bien, on rentre à la maison ! Juste… Eh bien, il y a un triathlon sur le trajet !
On se met en route. Une pluie qui battante sur tout le trajet. Moi triste, chéri qui râle tout du long, de l’appréhension du parcours vélo et course à pied qui est un peu technique et dont le sol glissant peut être fatal. Et je ne sais pas si mon moral était communicatif ou si mon copain était dans le même état, mais on est arrivé tous les deux irritables. Ça commençait bien.
On va chercher les dossards, on s’installe. On mange notre plat de pâtes à deux dans un tup’ avec des cuillères à café en plastique. Fatigués, on attend. Je pense qu’à ce moment-là, on a tous les deux eux un peu le contre coup du weekend intense en famille et des dernières semaines.
En regardant le parcours, je regarde le lac et ses quatre bouées, et je dis à mon copain « non mais imagine, je ne passe pas la barrière horaire ? ». J’avais réellement peur. Pendant ma préparation, il y a eu beaucoup d’entraînement en piscine et très peu en eau libre. Aucune habitude de l’appréciation des distances ni de l’eau froide, ça me faisait peur.
14 h, on se dirige vers le parc à vélo pour s’installer. Le stress commençait à monter de mon côté. J’adore ce stress d’avant course, celui qui prouve que la course compte. Finalement, retard sur les courses d’avant, on a attendu en troupeau de vélo devant le parc, regardant les enfants faire leur course. Ils se donnent tellement, c’est incroyable !
Environ 45 min plus tard, on est autorisés à entrer dans le parc. La routine commence : poser le vélo, sortir les affaires, s’organiser, compter les arbres repères, faire et refaire le parcours des transitions en visualisation. Et puis il est l’heure d’aller dans l’eau pour s’échauffer un peu. Combinaison néoprène enfilée, un bonnet, les lunettes puis un deuxième bonnet, je rejoins le groupe déjà en place. Elle est froide ! 17 degrés. Je me souviens alors de Montreuil-Juigné, l’eau était à 16-17 et je n’avais pas réussi à mettre la tête dans l’eau, j’avais nagé en brasse les 750 m. Je plonge et m’élance en crawl pour tenter de combattre l’erreur de l’an passé d’emblée. Ça semble fonctionner. Max me rejoint, il va s’échauffer aussi. Et puis on est appelés pour le briefing de départ. Quelques consignes et nous voila, les 250, à nous diriger vers la ligne de départ. Un mass-start au bord d’un lac.
La natation
Pour celles et ceux qui ne savent pas ce qu’est un mass-start, tout le monde se lance en même temps dans l’eau. C’est plus simple à gérer au niveau des temps scratch puisque tout le monde a la même heure de départ. Et c’est surtout une machine à laver où tout le monde s’élance en même temps. On se prend des coups, on nage sur des gens, on se fait nager dessus, c’est connu pour être difficile suivant où l’on se place.
Par précautions, je me suis mise tout devant, mais tout à gauche. Les bouées étaient passées à l’extérieur, donc main gauche trois fois, et la dernière main droite. En étant à gauche, je me sentais en sécurité. Mais ma vraie sécurité, c’était mon copain. Il a nagé toute la distance à côté de moi, me protégeant ainsi des attaques par la droite. Je n’ai pas vraiment eu à me préoccuper de me faire bousculer ou nager dessus, il était là. Grâce à ce garde du corps, je me suis même lancée au combat pour remonter quelques personnes entre la deuxième et la troisième bouée. Il a été aussi essentiel à mon repérage dans l’eau. Je ne voyais pas les bouées, mais je le voyais lui. Et je sentais que l’orientation n’avait pas fait partie de mon entrainement. Une fois ou deux, il m’a attrapée par la taille pour me remettre sur le chemin, imperturbable, j’ai continué ma route. J’ai pensé à toutes ces personnes qui ne sont pas forcément à l’aise dans l’eau. J’ai repensé à toutes ces heures à la piscine du Rhône à prendre des coups, et à mon enfance dans les lacs et rivières. J’ai la chance d’être extrêmement à l’aise en eau libre. J’en ai conscience.
Après la troisième bouée, je m’aperçois que je n’ai pas la sensation de l’effort et j’en profite pour placer correctement mes appuis. Je perds le nord, une femme à côté de moi aussi, et on passe un bon 200 m à se rentrer dedans continuellement. Finalement, on passera la barrière horaire avec 16 min pour 750 ou 800 m.
Transition 1
J’ai cru que j’avais fait la pire transition possible, « de l’histoire du triathlon » j’ai dit à Max en montant sur le vélo. 1:58. Les deux minutes les plus longues que j’ai pu vivre.
Sortir de l’eau, enlever le haut de la combinaison, courir, enlever le combo bonnet-lunettes, compter les arbres « un deux trois quatre, là-bas ». Enlever la combinaison, mettre le casque, les lunettes, porte dossard, enfiler les chaussettes, chaussures, prendre le vélo, c’est parti.
Le vélo
Le départ du parcours vélo démarrait par une montée, juste de quoi dire à mon copain « ça va la nage non? », il me répond de me concentrer et de pédaler. Je me suis alors rappelée l’adage « un triathlon ne se gagne pas à la natation, mais il se perd à la natation ». Je ne savais pas mon temps, mais je savais que contre moi-même, je n’avais pas perdu.
On se lance donc, je double deux trois personnes en montées, juste de quoi se galvaniser un peu, et je m’installe dans mon rythme. 170w de moyenne sur le plat, Max se place devant moi, mais à distance pour ne pas profiter de l’aspiration, ce qui serait une pénalité. Il me crie des conseils de temps en temps, mais je ne l’entends pas avec le vent.
J’avais le parcours sur mon compteur GPS, je vois qu’on arrive sur la première montée. On y va monter, je sais faire. « Comme à l’entrainement » je dis à Max quand il me demande si ça va. J’avais l’impression d’être dans une difficulté similaire à l’ensemble de nos sorties ensemble avec Max, j’ai même eu le temps de voir le paysage. La route était granuleuse, c’était difficile d’avancer, et en descente, je suis restée en contrôle sans prendre de risques. J’ai même pris le temps d’indiquer aux personnes derrière moi que j’allais ralentir au cas où ça s’emballerait un peu.
Deux épingles : la première, j’ai même posé le pied à terre pour ce virage plein de gravier qui faisait quasiment 180 degrés en descente. La deuxième, le drame. J’arrivais trop serrée pour prendre ce virage à droite correctement. Donc, je décroche légèrement vers la gauche pour le prendre plus large. Dans le coin de l’œil, je vois un vélo, je me rabats. Sauf que c’était trop tard. Cette femme qui pensait peut-être me doubler, ou qu’on passerait à deux, ou qui a perdu le contrôle de son vélo, ou qui a eu peur, est venue s’étaler devant moi. J’ai freiné en douceur, je me suis arrêtée devant elle. Tellement concentrée sur l’impact a évité, j’ai oublié de retirer ma chaussure de ma pédale. Je suis tombée à l’arrêt, genoux en premier. Je me relève assez vite pour ne pas gêner derrière moi, les bénévoles me crient de passer sans m’arrêter, ils sont avec elle. Je marche avec mon vélo pour passer ce virage, et je remonte dessus pour rejoindre le parcours et finir les quelques kilomètres de la fin. Mon genou saigne un peu, il est douloureux, mais je décide alors que ce sera un détail et j’appuie pour atteindre mes 180w en ligne droite (environ a 30km/h).
Transition 2
La ligne d’arrivée est tellement loin, je descends enfin du vélo, retrouve mon emplacement. Je pose le vélo, j’enlève le casque et les chaussures et je mets mes baskets. Pendant ce temps, Max m’a dit avoir eu le temps de papoter avec quelqu’un. Une deuxième transition tellement longue en ressenti, mais à nouveau moins de deux minutes. On repart pour la course à pied, et mon genou me lance. « Est-ce que ça va être bloquant bloquant? Ou juste un peu douloureux? ».
Course à pied
C’est parti pour deux boucles de 2.5 km dans l’herbe. Deux jours avant j’écrivais un article où je disais l’importance de vérifier le terrain pour adapter les chaussures, bien sûr je n’ai pas appliqué mon conseil et je me suis pointée avec mes chaussures bien lisses de route sur l’herbe ! Heureusement qu’elle avait séché !
Un premier virage, une première bosse, on croise des gens sur le parcours. Je recroise ce mec que j’avais vu au dépôt des sacs qui disait ne pas avoir de combi pour la natation. Je lui demande si ça été, il m’a dit que oui. On se check et je continue. Max toujours devant moi, imposant une allure et en même temps calé sur la mienne.
Finalement pas grand chose à dire sur cette course à pied. C’était long, c’était un peu glissant, ça montait et ça tournait, j’avais soif, il y avait des racines et des trous. J’avais les poumons qui sifflaient, l’asthme était bien présent. J’ai donc gardé mon allure, remontant des gens, persuadée que Max allait trop vite pour moi. Mais c’était « que » 5 km. Donc je me suis accrochée, petit sprint signature à l’arrivée pour tout donner. J’ai même entendu une bénévole crier « oui! C’est beau ça! ».
J’arrive à bout de souffle. J’avais tout donné.
L’arrivée
Le gros chrono affiche « 01:35:58 » à l’arrivée. Je ne l’ai même pas vu tellement j’avais tout donner sur les 50 derniers mètres. Posée à reprendre ma respiration, un bénévole me prends mon bracelet électronique et Max passe, on s’engouffre dans le monde pour aller au ravito, j’avais très très soif!
Tout s’est enchaîné si vite. On a pris de quoi manger et boire, j’ai arrêté ma montre et vu que j’avais une longue natation de 22km et des bananes. J’avais foiré les enchaînements de ma montre, ça arrive! On est repartis loin de la foule, on s’est installés sur l’herbe en attendant l’ouverture du parc à vélo.
J’étais triste, Max était calme. J’avais tout donné et pourtant je n’étais pas contente de ma course. Focalisée sur ce temps, 1h36, 6 min au delà de mon espérance, je me sentais si nulle.
La tourmente
Pendant les deux bonnes heures qui ont suivis, j’étais triste et déçue. J’avais raté ma course.
Mon compteur a envoyé un message automatique à ma mère pour signaler ma chute, je lui ai envoyé une photo « tout va bien ». Mais dans la panique, elle m’a appelée. J’avais envie de lui raconter que c’était un triathlon décevant, j’avais envie de lui dire à quel point j’avais fait de mon mieux mais que j’avais fait seulement que deux minutes de moins que l’an dernier. J’avais envie qu’elle me dise et me rappelle que c’était déjà un triathlon et que c’était déjà cool et qu’elle était fière de moi. Mais elle n’avait pas trop le temps, alors je me suis concentrée sur le plus important « je vais bien t’inquiète, c’est un message automatique. J’ai fini mon triathlon, tout va bien! ». En raccrochant je me suis effondrée dans les bras de mon copain.
Avec la fatigue, la concentration, les hormones d’un premier jour de règles, j’ai craqué. Toute mon éducation, toute mon enfance, tout est remonté et m’a frappé de plein fouet: je me sentais imparfaite, pas assez, de trop, j’étais nulle.
Dans la voiture, je n’ai pas arrêté de pleurer de déception en vers moi même. Toutes ces heures d’entraînement, 10h en moyenne par semaine, tout ces conseils que je donne au monde, tout ce que j’apprends. Pour quoi? Rien. J’étais moyenne en tout classement. Moyenne overall, moyenne féminine, moyenne senior. A quoi ça sert ?
Heureusement Max en a eu assez et s’est agacé. D’un ton sec, il m’a dit que au bout d’un moment c’était mon troisième triathlon de ma vie, que j’avais fait ce que je pouvais, que ça ne faisait qu’un an que je faisais ce sport, et que c’était déjà pas mal. Le parcours était différent de ce que j’avais fait jusque là, il fallait comparer le comparable. Il m’a demandé de lui dire ce qui avait fonctionné et de quoi j’étais fière. A grand coups de positivisme et de travail contre moi même, j’ai finalement réussis.
La fierté
Je suis fière de ne pas avoir subis le mass start, et d’avoir nagé le crawl pendant la natation. Je suis fière de ma natation au global.
Je suis contente d’avoir été en maîtrise sur le vélo tout du long. Et je suis contente d’être remontée sur mon vélo, 180w (environ 30km/h) après avoir chuté.
Je suis fière d’avoir poussé mon asthme dans ses retranchements pour finir une course à pied correcte malgré l’herbe et la douleur au genou.
Finalement, si on compare le comparable, la course était bien meilleure que les deux précédentes !
Le plus difficile dans cette journée a été de combattre les reliquats réflexes de mon éducation perfectionniste et de voir ma progression. Et je suis fière d’avoir réussis a sortir de ma spirale de déception.
Conclusion
Finalement ce triathlon est une belle métaphore de la vie: on ne se rend pas toujours compte de nos progressions, on a toujours besoin de quelqu’un pour nous aider et ca ne fait pas de nous des faibles, et finalement ce qui compte c’est l’histoire qu’on gardera en tête.
Aujourd’hui je garde en tête que j’ai eu la chance d’être encadrée par mon copain, que j’ai fait un triathlon tout en maitrise et que l’effort sur un format S est devenu banal, que finalement j’avance dans mon chemin vers devenir une triathlète.
Bisous

