Réapprendre à s’entraîner sans se détruire

Mon parcours : quand “souffrir” rimait avec “réussir”

Pendant des années, j’ai cru que la douleur était le prix à payer pour progresser. Si une séance de VMA ne me laissait pas le souffle coupé, c’était un échec. Si mes jambes ne brûlaient pas le lendemain d’une séance de musculation, je pensais ne pas avoir assez donné. J’étais même fière de me dire “survivante” après chaque entraînement.

Cette mentalité m’a portée un temps : elle m’a appris la discipline, la résilience, et m’a donné le goût de l’effort. Mais à force, j’ai aussi découvert ce qu’elle me volait : de la récupération, du plaisir, de la sérénité… et parfois même de la performance.

Aujourd’hui, j’apprends à bouger autrement : à écouter mon corps sans le juger, à accepter qu’une séance “modérée” puisse être bénéfique, et à valoriser la régularité plus que la souffrance.

Pourquoi associe-t-on douleur et efficacité ?

Ce réflexe n’est pas qu’une question de mentalité personnelle. Il est ancré dans la culture sportive et renforcé par des mécanismes psychologiques puissants.

1. Un héritage culturel : “No pain, no gain”

La souffrance est souvent perçue comme une preuve de mérite, que ce soit dans les rituels religieux, l’éthique du travail… ou le sport. Les slogans comme “Repousse tes limites” ou “Souffre maintenant, brille plus tard” ont amplifié cette idée : la douleur serait le passage obligé vers la performance.

2. Le biais de la dissonance cognitive

Quand on investit du temps, de la sueur et de la douleur, notre cerveau a besoin de croire que ça en valait la peine. On se convainc que “si j’ai souffert, c’est que la séance était bonne”, alors qu’en réalité, la douleur n’est pas toujours synonyme d’efficacité.

3. Le conditionnement du plaisir post-effort

L’intensité extrême libère des endorphines et des endocannabinoïdes, créant un “high” après l’effort. Ce mécanisme renforce l’idée que la souffrance est positive, alors qu’elle n’est qu’un moyen, pas une fin.

4. L’identité du sportif endurant

Dans le triathlon, la capacité à “encaisser” est souvent valorisée. Tenir face au vent, à la fatigue, à la douleur… c’est perçu comme une preuve de caractère. Mais cette identité peut devenir un piège : on finit par s’entraîner pour prouver sa dureté, plutôt que pour progresser intelligemment.

5. La pression des réseaux sociaux

Les posts “hardcore” (visages épuisés, citations motivantes) amplifient cette association entre souffrance et réussite. Pourtant, le vrai progrès se joue fréquemment dans la discrétion des séances bien gérées.


Ce que dit la science : souffrir ≠ progresser

Les recherches en physiologie de l’entraînement sont claires :

  • La progression vient de l’alternance entre charge et récupération.
  • L’entraînement “trop dur, trop souvent” mène à la fatigue chronique, à la stagnation, voire à la blessure.

Les meilleurs athlètes savent s’arrêter avant la casse, non par manque de courage, mais parce qu’ils comprennent la logique de la progression durable.


Réapprendre à bouger sans se faire mal

Changer cette mentalité ne signifie pas “devenir mou”. C’est au contraire retrouver le vrai sens de l’entraînement : construire, pas détruire.

1. Redéfinir ce qu’est une “bonne séance”

Une séance réussie, ce n’est pas celle qui fait mal, mais celle qui :

  • Sert ton objectif du moment (ex. : améliorer ton endurance aérobie, pas te clouer au lit).
  • Respecte ton état du jour (fatigue, stress, motivation).
  • Te laisse de l’énergie pour la séance suivante.

Question clé : “Est-ce que cette séance me fait progresser… ou juste souffrir ? Est-ce que la je risque de me blesser ? »

2. Utiliser des indicateurs objectifs

Plutôt que de juger à la douleur, observe :

  • Ta fréquence cardiaque et ton RPE (ressenti d’effort).
  • Ton sommeil, ton appétit, ta motivation. Si ces signaux se dégradent, ton corps te parle : il ne veut pas moins d’effort, il veut mieux d’effort.
3. Intégrer la récupération comme partie de l’entraînement

La récupération, c’est là que le corps se renforce. Sommeil, nutrition, hydratation, étirements légers, respiration lente… Ce sont des séances à part entière, pas des pauses.

4. Travailler la flexibilité mentale

Remplace les croyances limitantes par des mantras comme :

  • “Bouger sans souffrir, c’est encore bouger.”
  • “Je n’ai rien à prouver à la douleur.”
  • “Progresser, ce n’est pas s’épuiser, c’est durer.”
5. Retrouver le plaisir du mouvement

Lâche la montre de temps en temps. Reconnecte-toi à la sensation pure : le vent sur ta peau, ta respiration, le rythme de ton corps. C’est dans ces moments que le sport redevient un moyen de vivre, pas un test de résistance.


En conclusion : le vrai courage, c’est d’écouter son corps

Apprendre à s’écouter, ce n’est pas renoncer à la performance. C’est comprendre que le vrai courage n’est pas de souffrir à tout prix, mais de savoir quand s’arrêter, quand adapter, quand récupérer.

Le triathlon est une école de patience autant que d’endurance. Et si, au lieu de valoriser la douleur, on célébrait la constance, la lucidité et le respect de soi ?


💬 Et toi, comment gères-tu la frontière entre effort et souffrance ? (Partage ton expérience en commentaire !)


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