Pourquoi je cours après des limites qui n’existent pas (et comment j’ai appris à m’arrêter)
Le paradoxe du triathlon : entre excès et norme sociale
En France, selon les dernières données de l’INSEE et du ministère des Sports, seulement 24 % des femmes pratiquent une activité physique régulière (au moins 3 fois par semaine), avec une moyenne de 2 à 4 heures de sport hebdomadaires. Pourtant, dans le microcosme du triathlon, 10 heures par semaine, c’est presque la norme. Et c’est là que le problème commence : je ne suis pas une exception, je suis une passionnée prise dans un engrenage.
Le « toujours plus » : quand la passion vire à l’obsession
Un milieu où l’excès est la règle
Dans le triathlon, la modération n’a pas sa place. On ne compte plus les discussions où l’on entend :
- « Tu fais combien d’heures par semaine ? » (sous-entendu : « Est-ce que tu en fais assez pour être légitime ? »).
- « Tu as quel objectif cette année ? » (sous-entendu : « Est-ce que tu vises assez haut ? »).
- « Tu as mal où ? » (sous-entendu : « C’est normal, tout le monde a mal quelque part »).
Résultat : On se retrouve à courir après des limites qui n’existent que dans notre tête. Et quand on voit que la majorité des femmes en France font moins de 5 heures de sport par semaine, on se sent à la fois exceptionnelle et complètement décalée.
Pourquoi on tombe dans le panneau ?
- Parce que c’est grisant : Finir un Ironman, c’est un peu comme gravir l’Everest. Ça impressionne, ça donne un sentiment de toute-puissance.
- Parce que c’est un milieu où tout le monde en fait trop : Si tu fais « seulement » 10h/semaine, tu es déjà en dessous de la moyenne des triathlètes sérieux.
- Parce que c’est plus facile que de réfléchir : Se dire « toujours plus » évite de se demander « pourquoi je fais ça ? ».
- Parce qu’on a peur de lâcher prise : Et si, en faisant moins, on devenait « moyen » ?
Conséquences :
- Blessures physiques (tendinites, pubalgies, fractures de fatigue).
- Épuisement mental (burnout, anxiété, sentiment de ne jamais en faire assez).
- Sacrifices inutiles (vie sociale, projets perso, plaisir simple).
Le décalage avec la « norme » : quand on se sent à la fois « trop » et « pas assez »
Pour les « normaux » : « Tu es une machine ! »
- Ce qu’ils voient : 10h de sport/semaine, 4 disciplines, des compétitions à répétition, une alimentation calculée.
- Ce qu’ils ne voient pas : Les doutes, les jours de fatigue, les séances bâclées, les compromis (vie sociale, projets perso).
- Leur réaction : « Moi aussi je fais du sport ! » (alors qu’ils font 1h de vélo le week-end) ou « Tu es une héroïne ! » (alors que je suis juste une passionnée).
Le problème : On me met sur un piédestal, alors que je ne cherche qu’à vivre ma passion sans me justifier.
Pour les triathlètes : « C’est normal »
- Ce qu’ils voient : Un volume d’entraînement standard pour qui vise des distances longues.
- Ce qu’ils ne voient pas : Que je suis dans les groupes « lents », que je fatigue aussi, que je sacrifie des trucs.
- Leur réaction : « T’es lente » ou « Tu devrais faire plus de volume ».
Le problème : Je ne suis ni une machine, ni une « vraie » triathlète. Je suis entre les deux, et c’est exactement ça qui me pose problème.
Les stats qui remettent les choses en perspective
En France :
- Seulement 24 % des femmes font du sport régulièrement (3x/semaine ou plus).
- La moyenne d’activité physique pour les femmes : 2 à 4 heures par semaine.
- Les triathlètes (hommes et femmes confondus) : 8 à 15 heures par semaine en moyenne.
Résultat :
- Pour les « normaux », je suis une extrémiste.
- Pour les triathlètes, je suis dans la moyenne (voire en dessous).
- Pour moi, je suis tiraillée entre deux mondes, sans vraiment trouver ma place.
Comment j’ai (enfin) commencé à trouver un équilibre
J’ai accepté que je n’étais pas une machine
- Mon corps a des limites, et c’est OK.
- Je ne suis pas une athlète pro, et je n’ai pas à vivre comme une moine.
- J‘ai commencé tard (à 32 ans) et c’est déjà incroyable.
J’ai réappris à écouter mes envies (et pas seulement mes objectifs)
- Parfois, je préfère une soirée entre potes à une séance.
- Parfois, je préfère un tatouage à un entraînement.
- Et c’est normal.
J’ai compris que le « toujours plus » est un leurre
- Faire plus ne veut pas dire faire mieux.
- La performance, c’est bien. Le bonheur, c’est mieux.
J’ai trouvé ma propre définition du « assez »
Pour moi, « assez », c’est :
- Me sentir bien dans mon corps.
- Prendre du plaisir à m’entraîner.
- Avoir une vie en dehors du sport.
J’ai appris à en rire
- Quand on me dit « T’es une machine », je réponds « Non, juste une passionnée avec un agenda surbooké. »
- Quand on me demande « Tu fais combien d’heures par semaine ? », je dis « Assez pour être heureuse, pas assez pour être championne du monde. »
- Quand je vois un pote se lancer dans un ultra parce que « c’est le prochain défi logique », je lui demande « T’es sûr que c’est TOI qui veux le faire, ou juste ton ego ? »
En conclusion : créer sa propre norme
Je ne suis ni une machine, ni une triathlète « normale ». Je suis juste moi :
- Une femme qui aime se dépasser, mais aussi se reposer.
- Une triathlète qui court, nage et pédale, mais qui aime aussi les sorties, les amis et les grasses mat’.
- Une passionnée qui assume ses choix, même s’ils ne rentrent dans aucune case.
Ma place ? Elle est là où je me sens bien – entre deux séances, entre deux mondes, entre deux identités. Et si je ne rentre dans aucune case, tant mieux : je créerai la mienne.
Le triathlon, c’est un sport magnifique, mais il ne devrait pas nous voler notre vie. Le « toujours plus » est un piège. La vraie force, c’est d’oser s’arrêter quand il le faut.
Et toi, comment vis-tu ce décalage entre les attentes des autres et ta réalité ? (Parce que je suis sûre que je ne suis pas la seule à me sentir « à côté » parfois…)

