En 2025, j’ai vécu ce que tout triathlète redoute : une blessure sans date de fin. D’abord des pointes aux sacro-iliaques, puis des tendinites aux psoas et aux grands fessiers. Résultat ? Deux mois de déclin, puis un mois sans vélo ni course à pied, une prise de poids de 10 kg, et une saison qui s’éloignait à toute vitesse.
Mon copain m’a dit un jour : « Ne t’inquiète pas, ça peut aller très vite dans un sens… comme ça peut aller très vite dans l’autre. » À l’époque, je n’ai pas compris. On ne peut pas comprendre cette phrase si on ne l’a pas vécue.
Pourtant, aujourd’hui, je cours à nouveau. Pas comme avant, mais avec une conscience différente de mon corps et une résilience que je ne connaissais pas. Voici comment j’ai traversé cette épreuve, et ce qu’elle m’a appris.
La prise de conscience : quand le corps dit « stop »
Au début, ce n’étaient que des petites douleurs, des gènes après l’entraînement. « C’est rien, ça va passer. » J’ai continué à m’entraîner, à pousser, à ignorer les signaux. « Je suis plus forte que ça. »
Pourquoi ? Parce que ma plus grande peur, c’est d’être faible. En triathlon, surtout sur longue distance, la résilience à la douleur est une force. Alors, il fallait continuer. Ignorer. Ne pas être faible.
De toute façon, mon corps m’a toujours fait souffrir. Fatigue chronique, jambes lourdes, tendinites à répétition… Une douleur de plus ou de moins, ça ne changeait rien. « C’est le prix à payer. »
Puis les douleurs sont devenues insupportables. Les tendinites aux psoas et aux grands fessiers m’ont clouée au sol. Le kiné a été clair : « Arrêt total de la course et du vélo. Un mois et demi, minimum. »
Ce jour-là, j’ai compris une chose : il y a la douleur de l’effort, et il y a la douleur de la blessure. Et les deux ne se soignent pas de la même manière.
Le déni : « Je peux continuer, non ? »
La réaction logique de n’importe quelle personne blessée, est de négocier. « Oui, j’ai la jambe dans le plâtre. Mais est-ce que je peux peut-être courir dessus si je glace ? ».
Bien-sûr, je n’ai pas dérogé à la règle et tout le mois d’août, j’ai forcé en ignorant la blessure. Évidemment que j’ai tout aggravé et que j’aurai dû arrêter avant ! Mais ça, sur le coup, ce n’est pas si évident.
Septembre, l’arrêt forcé a été un choc. Soudainement, j’ai dû arrêter complètement la course à pied et le vélo.
Il ne me resterait que la natation. Je suis passée de 8-10h d’entrainement par semaine avec des intensités et autres impactes pulmonaires et cardiaques, à 4-5h de natation. Un sport porté, doux, technique, exigent. Et surtout, un sport qui demande une organisation. On ne peut pas sauter sur home trainer ou prendre les baskets et aller chercher des fleurs. Il faut aller à la piscine, se changer, prendre un pull-buoy pour ne pas solliciter les jambes, etc. Il y avait un vide, une frustration immense.
J’ai essayé de compenser : plus de natation, plus de musculation haut du corps. « Au moins, je bouge ». Mais rien ne remplaçait l’intensité du vélo ou de la course à pied. J’ai souri, fait semblant que tout allait bien, mais en réalité, j’ai pleuré de frustration.
La dépression
Ayant dû renoncer à deux dossards en septembre, j’ai perdu espoir pour ma saison 2026, me demandant si je pourrais un jour retrouver mon niveau. J’ai considéré un nombre de fois incalculable de revendre tout mon matos et d’arrêter. Me disant que finalement, c’est peut-être pas fait pour moi.
La dépression est venue s’installer doucement avec la perte d’espoir, la baisse de volume sportif, les douleurs chroniques et la prise de poids.
Réellement blessée depuis avril, j’ai simplement mangé mes émotions et mes douleurs pendant 6 mois. Et l’arrêt total est venu comme un coup fatal. Quand on passe d’une certaine dépense calorique par semaine à moitié moins, le corps met un temps à s’adapter et j’ai achevé ma prise de poids. La sentence est tombée : 10 kg en plus.
J’ai réfléchi à des sports plus doux, moins traumatisant. « Et si je me mettais à la danse et Pilate, c’est bien ça non ? ». Et puis je regardais mon vélo… Impossible d’arrêter le triathlon ! Il me canalise, il me permet de m’éclater, il est tout juste assez fou pour moi. C’est un sport magique ! Être à l’arrêt m’a encore plus déprimée.
Le pire ? Les réactions autour de moi. « Tu vois, le sport, c’est le mal. ». « Tu t’entraînes encore, c’est bien ! » Oui, mais ce n’était pas pareil. Je me suis sentie si seule.
L’acceptation et les soins
De nature positive, je me suis dit « quitte à être à l’arrêt, autant aller voir tous les médecins possibles ! ». Donc j’ai enchainé gynéco, kiné, ophtalmo, dermato, dentiste… Un long tunnel de médecins avec un seul objectif : profiter de ma mise à pied pour tout régler.
J’ai appris beaucoup de choses, notamment qu’il existait des tailles de stérilet ! Et mon nouveau m’a changé la vie, particulièrement sur le vélo ! J’ai aussi appris que j’avais choisi mes chaussures de course à pied parce qu’elles m’aident à protéger un muscle en souffrance. J’ai aussi appris que mon vélo était mal réglé, mais qu’instinctivement, j’avais fait un changement pour limiter la casse.
Et puis un kiné a changé ma vie. Je suis allée le voir pour des vicaires tendus et douloureuses, qui pouvaient avoir un impact sur mes psoas. Je lui ai dit que mes tendinites étaient toujours en miroir et que ça s’enchainait un peu. Il m’a conseillé d’aller faire un test sanguin d’intolérances alimentaires parce qu’il soupçonnait une inflammation globale du corps. Et en plein dans le mille : j’étais intolérante à la base de mon alimentation. Sans le savoir, j’étais en train de me tuer à petit feu.
Un jour, mon copain m’a dit : « Ça peut aller très vite dans un sens… comme dans l’autre. » Ces mots ont résonné en moi. Peut-être que je devais arrêter de lutter et commencer à travailler avec ma blessure.
J’ai accepté de recommencer à zéro :
- Renforcement musculaire : Des heures de kiné pour stabiliser mes psoas, mes hanches, mes abdos et mon dos.
- Course à pied en Z1 : Presque de la marche, à une allure où je me sentais ridicule, mais nécessaire.
- Natation : Mon refuge, le seul endroit où je me sentais encore athlète.
Le plus dur ? Accepter d’être plus lente, moins puissante, et de devoir tout reprendre depuis le début. Mais j’ai fait confiance à ma mémoire musculaire, et surtout, j’ai écouté mon corps.
La reconstruction : « Et si c’était une opportunité ? »
Aujourd’hui, je cours à nouveau. Pas aussi vite qu’avant, mais je suis là. Et surtout, j’ai appris :
- À écouter mon corps : Plus jamais je n’ignorerai une douleur.
- À célébrer les petites victoires : 2 km sans douleur, c’est une victoire.
- À voir la blessure comme une leçon : Elle m’a forcée à diversifier mon entraînement, à travailler mes faiblesses (comme la natation !), et à devenir une athlète plus complète.
Le plus beau ? En décembre 2025, j’ai fait mon meilleur temps sur 10 km depuis des années. Trois mois après mon arrêt total.

