Lyon Urban Trail : Une course, un défi, une révélation

En 2023, j’ai fait mon premier Lyon Urban Trail avec des collègues : le format By Night de 8 km. Déjà un défi fou pour nous ! Quatre inscrits, un seul expérimenté, et le reste… plus ou moins entraîné. L’expérience était dingue : voir toutes ces frontales illuminer la nuit, sentir l’effort dans les montées et les descentes, observer mes collègues se dépasser. Ce qu’on avait sous-estimé ? 100 mètres de dénivelé positif, c’est comme un kilomètre de plus en ressenti. Alors notre 8 km s’est vite transformé en une course de 12-13 km dans nos jambes.

L’année suivante, j’ai voulu remettre ça… mais en doublant la mise. Mon objectif ? Le 16 km. Sauf que le parcours avait changé. Il n’existait plus. Il fallait choisir entre 10 ou 20 km. Bien sûr, j’ai coché 20 km, 800D+. Un challenge énorme, surtout après une saison entièrement consacrée à un unique triathlon S, et un mois de novembre qui arrivait bien trop vite.

Niveau prépa ? Catastrophe. Une seule sortie de 20 km à mon actif, un semi-marathon abandonné à cause du Covid. J’allais donc affronter cette course en totale improvisation. Enfin… « course », disons plutôt parcours. L’objectif était simple : finir.

Heureusement, Maxime, mon copain, a pris un dossard à l’arrache. Il avait déjà rempli ses objectifs de saison, ça faisait une éternité qu’il n’avait pas couru en compétition, et clairement, il l’a fait pour partager ce moment avec moi. Et heureusement qu’il était là. Parce que ce jour-là, j’ai appris la leçon qui me sauvera pour le Lyon Urban Trail 2025.

Comme d’habitude, on s’est pointés en mode touriste. Mais cette fois, on avait fait encore plus fort : la veille, on s’était dit que ce serait une excellente idée de partir en rando pendant 5 heures, avec 1400D+ sur 15 km. Résultat ? Le lendemain, on était explosés. Marcher relevait déjà du défi… alors courir 20 km ?

J’ai appris qu’il fallait marcher à certains endroits, laisser dérouler à d’autres. J’ai compris l’importance des ravitos, de boire de l’eau, de faire confiance à mes sensations. Et surtout, j’ai réalisé que, même fatiguée, même poussée dans mes retranchements… je pouvais courir 20 km. Toujours pas un semi.

2025, toujours plus

Cette année, j’ai décidé de faire le Lyon Urban Trail de jour. Et comme j’avais toujours incrémenté la distance, je me suis dit : les 25 km devraient passer ! Maxime, lui, prend son dossard juste pour le fun. C’est un dossard débile! On sera ce jour là, tout les deux à une semaine du premier triathlon de la saison

À 3-4 jours de la course, je suis toujours dans le déni total. Même quand Maxime annonce son forfait pour blessure, je me dis que ça va le faire. Et puis… la réalité me frappe en pleine face : je ne me suis pas entraînée pour ça. Tout mon hiver a été consacré au foncier pour le triathlon. Pas assez de dénivelé, pas plus de 20 km en une seule fois. Là, je pars pour 25 km, 1100D+.

Le stress monte. Mon cerveau s’emballe. “Et si mon TFL revenait ? Et si je n’arrivais pas à finir ? Et si j’y arrivais… ?”

La veille : stress, check-list et (presque) pas de sommeil

Je n’ai plus le choix. Pas question d’abandonner. Je prépare mes affaires méthodiquement, comme un rituel qui me met dans la course :
✔ Short, t-shirt, bandeau, tour de cou de l’événement.
✔ Chaussures Novablast Asics (erreur de casting pour du trail ? On verra).
✔ Sac d’hydratation : 1L d’eau + 250ml de boisson isotonique.
✔ 3 gels, 4 pâtes de fruits.
✔ CNI (au cas où je finis à l’hôpital), gel hydroalcoolique, Ventoline.

Je me strappe le genou par précaution. Je vais me coucher… mais avec le changement d’heure et le stress, je dors à peine.

Jour J : Le départ, la solitude et l’adrénaline

Il est 05:30, il faut manger 3h avant pour activer le système digestif avant la course. 3 œufs et un wrap, comme d’habitude. 20min de yoga pour ouvrir les hanches et préparer mon psoas fragile, et je retourne m’allonger avec de la musique classique une 30aine de minutes.
Je me prépare, Maxime se lève, on se réveille. Mon système digestif est en activation absurde! Juste de quoi rajouter du stress pour la course… « et si j’ai envie d’aller aux toilettes? » peut être une des sensations les plus coupe jambes qui soient!
Il est l’heure, on y va.

J’avais besoin qu’on parte à l’heure et qu’on arrive dans les temps pour avoir le temps de retrouver Justin, un collègue, et qu’on puisse prendre le temps une fois sur place. Avec Max on a ce dont d’arriver comme des fleurs 10min avant le départ, mais cette course avait plus d’enjeux.

Dans le sas de départ, deuxième vague, je dis à Max qu’il est temps que je me mette dans ma bulle. Il me dit de manger une pâte de fruit BCAA Décathlon. Il part, hésitant, et soudainement je réalise qu’il ne courra pas avec moi. Je suis seule. Il sera présent à quelques points clés pour me faire coucou, mais ces 25km je les ferait seule. J’ai eu très peur. Peur de ne pas y arriver, peur de ne pas être assez forte sans lui, peur de ne pas être assez solide, peur de mal gérer ma course. Je me concentre, j’active le mode guerrière, le décompte, c’est parti!

On attaque d’emblée avec une côte! Certains marchent déjà, j’arrive à trottiner tout du long. Ne pas accepter de marcher dans un trail revient à ne pas accepter le chocolat dans un fondant au chocolat! C’est inévitable! Il faut juste garder le tempo, relancer, et savoir quand commencer à marcher pour ne pas se ralentir mais ne pas se cramer non plus. Il y a des machines qui courent tout du long: je vous admire! Et vous n’êtes pas le commun des mortels!

Pour le moment, c’était facile! J’enchaînais à un bon tempo, je doublais pas mal de monde en descente, j’étais bien, j’étais fraîche.

J’avais pris le parti de ne pas regarder ma montre. Bloquée sur l’écran des heures pour prendre mes gels, je voulais courir à la sensation et finir avant de faire un temps. Je visais moins de 3h en idéal… mais finir déjà c’était pas mal!
Cédric, mon coach de triathlon, m’avait dit de prendre un gel toutes les 45min. On les avait choisi avec Maxime: deux gels TA que je digère et un Maurten caféiné au 20eme kil! C’est donc quasiment religieusement que j’ai pris mon premier gel à 9:30, 45min après ma pâte de fruit du sas de départ. Je bois un peu d’eau avec pour diluer. C’est le TA au citron! Beaucoup trop sucré mais je l’aime bien! Pour éviter l’écœurement je le prends en deux fois.

On passe dans des escaliers, au bord de l’eau, devant la cathédrale Notre Dame de Fourviere, on remonte la fameuse piste de la Sarah, on redescend et c’est là que je vois Max comme prévu au pont. Je ne sais pas à combien j’en suis, je sais juste qu’il est là. Spontanément je sprint vers lui pour lui voler un bisou avant de continuer. J’avais envie de m’arrêter, de lui raconter tout ce que je venais de voir avant que j’oublie, pour lui dire que j’étais contente de le faire et qu’il aurait adoré ! Mais il fallait que je continue si je voulais finir cette course.

On a continué dans des endroits que je ne connaissais pas de Lyon, entre les bâtiments, les monuments, alternant ce qui ressemblait à de la forêt et du bitume. Bien sûr, pleine de joie, j’ai encouragé des gens que je ne connaissais pas en les dépassant. Et puis Maxime a commencé à apparaître à des coins de rues là où d’autres supporters étaient placés. La différence c’est que lui, était partout! Je ne sais même pas combien de fois je l’ai vu. Je sais juste que le voir après chaque passage difficile a été un coup de fouet plus efficace que tout les gels.

Le deuxième gel était difficile à prendre. Je commençais à avoir des nausées, à être pas bien. J’entendais les personnes autour de moi se plaindre de crampes et de douleurs. Moi j’avançais, j’avais juste envie de vomir et la tête qui tournait. Je continuais de boire et de manger, en espérant que ça soit pas un pique d’insuline. Parce que évidement que je n’avais jamais testé la prise de gel en course avant! C’était du freestyle! Tout le monde dit tout le temps qu’il ne faut rien tester le jour de la course, ça tombe bien… c’était pas un dossard important!
Sauf que je n’étais pas du tout en pique d’insuline, mais en plus, j’étais probablement sous alimentée! Et bien sûr, je ne le savais pas encore, mais ces nausées c’était une insolation qui venait s’installer en plein mois de mars!

On est passés dans des tunnels avec de la techno, sur les bords de Saône, dans des parcs, dans des endroits merveilleux dont je ne garde qu’un vague souvenir.
Je sais surtout que je ne me suis pas arrêtée au premier ravito. Et que Maxime cavalait sur son vélo pour me retrouver ici et là, et même faire un bout de chemin avec moi.

A partir du 12eme kilomètre je crois, les marquages commençaient à afficher la distance parcourue. Assez dommage parce que dans mon ignorance, je cavalais comme un évadé de prison. Et j’ai commencé à subir ma course quand j’ai vu les chiffres s’accumuler. Quelque part avant le deuxième ravito, j’ai croisé une personne blanche comme un cachet d’aspirine au sol. Je me suis arrêtée pour savoir comment il allait, et après quelques conseils, j’ai repris ma course sans ma flasque et mes pâtes de fruits que je lui avais laissé.

J’ai donc continué mon chemin et à 20km c’est là que ça a frappé: mon genoux a commencé à me lancer en descente. Il restait 6km, il fallait que ça tienne!!! Je croise Maxime, je lui fais un signe que je n’en peux plus.
J’arrive à 22km et je croise un bénévole à qui je cris « je viens de finir mon premier semi! Trop contente! » et c’est une femme que j’avais croisé au paravent qui me dit bravo!

Cette même femme ne le sait peut être pas, mais 2km plus loin elle a changé le cours de ma course. Sur du plat, j’avais le cardio qui tapait comme mon voisin quand il y a du bruit, j’avais envie de vomir, j’étais pas bien. J’en avais surtout marre de ces montées de merde.
Je marche donc pour prendre mon gel Maurten. Je ne m’attendais ni à la texture, ni au goût! J’ai entrepris de laisser ce bloc de gélatine dans mes joues en infusion pour éviter de les gober. Elle est passée, et m’a dit « allez allez lâche rien ». Ce petit encouragement m’a rappelée pourquoi j’étais là! Et ça m’a frappé d’un coup!
Au 10ème kilomètre je me suis demandée ce que je foutais la, au 12eme je suis partie ailleurs et j’ai décroché en lucidité, très concentrée sur la technique et pas dans la course. Au 23eme, je zonais. J’étais déconnectée de la réalité, concentrée dans mon gel, perdue. Elle m’a ramenée sur terre et j’ai pu relancer en étant dans l’instant.

Quelques dernières montées pour le plaisir, et un sprint final signature pour finir en ayant tout donné. Quand j’ai passé cette arche, je me suis effondrée en pleurs. Je me suis mise en tailleur, mes nerfs ont lâchés. 3h10 d’ascenseur émotionnel, passant de la joie d’être là et de voir Maxime comme on trouverait Ou est Charly, à la douleur et au doute. J’avais complètement décroché pour me préserver, et ces 3 derniers kilomètres avaient été plus difficile que jamais. J’ai alors compris: je venais de finir 26km et 1000D+ sans préparation, seule. Ou presque! Maxime avait été la, partout. Et les autres participants étaient là aussi.
J’ai attrapé mon quartier d’orange habituel, et je me suis empressée de retrouver Maxime pour m’effondrer dans ses bras.

J’ai eu le droit à 1h de fierté immense ! Mon temps était pas loin du temps visé, j’étais suffisamment bien pour faire mon sprint signature de l’arrivée, je me sentais ok pour rentrer à vélo et je l’avais fait quoi!!!
Et fidèle à moi même, j’ai commencé à analyser la course: j’avais mal géré mes gels, mon eau, ma tenue. J’étais trop à l’arrache.
Je n’ai bu que 500ml sur 3h, les gels m’ont fait un effet hypertonique et détruit le système digestif, j’ai choppé une insolation qui m’a mise KO pour le reste de la journée. Il me faut donc des gels plus aqueux parce que je ne bois pas assez, ne pas négliger la boisson isotonique, et mettre une casquette!
Mais par dessus tout: ce n’était « que » 26km et après tout c’est rien! Tout le monde venait de faire le marathon de si et l’ecotrail de mi. Finalement, je me suis comparée et le soir venu Hanna me demande « t’es fière de toi? Parce que moi je suis fière de toi ». Et comme c’est une vrai amie qui me connaît, j’ai pu lui dire « Boarf. Je devrai mais finalement… »
J’avais banalisé ma course en une après midi. J’ai repensé à tout ceux qui m’avaient dit que c’était évident que je pouvais le faire et je me suis dit qu’ils avaient raison, c’était pas si difficile. J’ai pensé à mon coach, et tout ce qu’on devrait travailler pour faire mieux. J’ai oublié que finalement c’était déjà fou.

Mon objectif de développement personnel est maintenant le suivant: apprendre à ne pas se banaliser, ne pas se comparer, et apprécier les exploits que l’on fait.

Ce week-end j’ai un triathlon S, je ne prends pas trop le temps de me poser et je regarde déjà ce nouvel objectif.


Une réponse à « [S14] Récit de course : Lyon Urban Trail, Émotions et stratégies de course »

  1. Avatar de Pauline
    Pauline

    Mais évidemment tu peux être fière de toi, tu DOIS même ❤️

    Merci de partager l’envers du décor, ça fait du bien la vérité toute nue

Répondre à Pauline Annuler la réponse.